Première publication le 13 août 2018
Bon nombre de pratiquants d’arts martiaux ont entendu parler du fameux Dianxue (Tien Hsueh) ou « art des points vitaux », un art dont on oublie qu’il tire son origine et son fondement de la médecine chinoise… Bon nombre d’experts deTuina sont d’ailleurs de grands pratiquants d’arts martiaux chinois. Il est une famille de Tuina directement issue des pratiques martiales, il s’agit du DIAN XUE LIAO FA.
Le Dian Xue Liao Fa …
Le Dianxue Liao Fa est l’une des 5 principales méthodes de Tuina (avec le YI ZHI CHAN TUINA, GUN FA TUINA, ZHI YA TUINA, NEI GONG TUINA). Chacune de ces écoles a développé une approche particulière. En général, il est dit qu’au Nord, les techniques sont plus vigoureuses et puissantes et qu’au sud, elles sont plus douces et fines… Que les styles d’obédience bouddhiste sont travaillés très puissamment, alors que les taoïstes sont beaucoup plus doux… Mais ce ne sont que des traits généraux, bien évidemment.
Le Dianxue Liao Fa est une école populaire du Shandong très réputée dans la prévention et le traitement de maladies sévères, qui découle des écoles d’arts martiaux, très présentes sur la région. On y retrouve donc naturellement les méthodes martiales de presser, frapper, capturer, ouvrir ou fermer les cavités (‘points vitaux’). Toutes ces méthodes sont utilisées conjointement, tant pour l’application martiale que pour le traitement des blessures.
Elle se caractérise donc par l’emploi intensif des percussions et repose sur deux théories principales : celle des Jingluo (méridiens et collatéraux,) et celle du Qi et du sang de la MTC.
La méthode centrale utilisée est la percussion des doigts (ji dian) groupée avec d’autres manipulations importantes telles que presser, agripper, tapoter, … ainsi que les ajustements ostéo-articulaires (zheng gu).
Un solide entraînement du praticien est plus que nécessaire, entraînement qui se compose de Neïgong et de Waïgong, comme la posture du cavalier, « pousser la montagne », « le tigre se repait de sa proie », « les serres de l’aigle »,…
Cette école est spécialisée dans le traitement des problèmes rhumatismaux (bizheng) et neurologiques (syndrome Wei…).
Selon la MTC, la plupart des paralysies (weï) et douleurs rhumatismales articulaires (bi) (spondylarthrite, hémiplégie suite AVC, sclérose en plaques,…) viennent d’une dysharmonie entre le yin et le yang du patient. Cette dysharmonie est le résultat du déséquilibre entre un facteur pathogène externe (xie qi en général vent/froid/humidité) et l’énergie saine du patient (zheng qi) amenant une obstruction dans la circulation des méridiens, une dysharmonie entre le Qi nutritif (ying qi) et le Qi défensif (wei qi) et une obstruction du sang (xue).
Le traitement consistera à :
- libérer la surface (biao),
- remettre en mouvement la libre circulation du qi et du sang et à lever la ou les stases,
- harmoniser les différentes couches énergétiques ying/wei qi,…
Il est dit : « quand il y a stagnation du qi et du sang, la douleur apparaît… » … « quand les méridiens sont désobstrués, les maladies se guérissent d’elles-mêmes… » insistant par là sur l’origine des troubles en MTC et sur l’une des 5 fonctions principales du Qi : l’homéostasie.
Les principes du Tuina trouvent leur origine dans le Huangti Neïjing, où Qibo, Maître-masseur, définit ainsi le Tuina (à l’époque nommé Anmo) : « le presser-relâcher est le fondement de la remise en mouvement du Qi, par le presser-relâcher, on agit sur le Qi du patient jusqu’aux organes entrailles… »
Le Dianxue Tuina, ou l’art de presser des cavités, joue un rôle important dans le drainage des méridiens, pour promouvoir la libre circulation du qi et du sang, renforcer le zheng qi du patient, expulser les pervers (xie qi), harmoniser ying et wei qi ; avons nous dit.
… et son application martiale.
Quant à son application martiale, le Dian xue proprement dit, ou « pression des cavités », est l’une des cinq parties du Qin na ou « art de saisir et de contrôler » un adversaire.
L’objet du Qin na, présent dans de nombreuses écoles martiales, est de contrôler, de neutraliser un adversaire en bloquant ses articulations, ses muscles et tendons, ou en obstruant la circulation du Qi, provoquant ainsi soit une grande douleur soit une syncope.
S’il nécessite pour la première part (dislocation, séparation des tendons) une grande habileté technique et physique, pour la partie la plus complexe (presser les cavités, obstruer les méridiens,…) de bonnes connaissances de la médecine chinoise et de ses lois sont indispensables.
La dangerosité de ces techniques fait qu’elles ne peuvent être divulguées qu’à des élèves dignes de confiance et dont le sens moral est exemplaire…
Cinq parties composent le Qin na :
– Fen jin : séparer les tendons, le même fen jin que le Tuina mais avec une intention martiale… Dans cette catégorie entre Najin (pincer/saisir les tendons, également similaire au tuina).
– Cuo gu : disloquer les articulations, qui nécessite la connaissance du Zheng gu, spécialité de Tuina, la remise en place des articulations…
– Bi qi : sceller le qi, bloquer la respiration, étranglement respiratoire.
– Dian mai : étranglement sanguin et obstruction des vaisseaux.
– Dian xue / maï : pointer/presser les cavités et les méridiens, dans lequel on trouvera le na xue, pincer les cavités.
DIAN XUE : attaque des cavités (xue) ou « points vitaux » …
Le concept de l’attaque des points vitaux du corps humain nommé DIAN XUE, DIM MAK ou TIEN HSUEH est basé sur les connaissances de la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) mises en application avec les principes de percussion liés à l’école martiale pratiquée.
Par exemple, le style du singe développe des percussions molles et relâchées (tant dans ses applications martiales que dans son système thérapeutique), alors que la mante religieuse ou la grue blanche, ont développé des percussions courtes et sèches…
Le DIAN XUE n’est pas une discipline à part entière. Il trouve sa cohérence dans une pratique martiale, où il permet d’augmenter, d’affiner l’efficacité de son application. Le faible peut alors se défendre contre le fort. Elle permet en outre la résolution d’un conflit sans grands dommages « collatéraux ». Neutraliser sans nuire gravement n’est pas rien. Il reste une application pratique d’une certaine philosophie où protéger la vie reste le plus important. Il se trouve curieusement que parfois il soit utile de se battre pour cela.
D’évidence, du fait de sa dangerosité, le DIAN XUE ne s’apprend, ni ne se pratique seul, il se trouve au centre d’une pratique martiale déjà existante et n’est enseigné qu’à des élèves de haut niveau dans leur discipline.
La branche la plus populaire de l’art des percussions des points vitaux dans les arts martiaux, reste les techniques de réanimation popularisées par les arts japonais : le KUATSU (on pourrait dire, l’opposé du KYUSHO (version japonaise du DIANXUE)
Comme la plupart des arts au Japon (art du thé, art floral, bonsaï, calligraphie, arts martiaux,…) l’art du kuatsu aurait ses origines en Chine. Cette “science de l’urgence” fut élaborée sur plusieurs siècles en s’appuyant sur les connaissances traumatologiques de la médecine traditionnelle chinoise…
Pendant une très longue période, la transmission du Kuatsu s’est faite dans les dojos, oralement et dans la plus grande confidentialité. Avant la 2ème guerre mondiale, il n’était enseigné secrètement qu’aux enseignants 5ème Dan qui juraient de ne jamais divulguer ces techniques sans le consentement du Maître. Il était de tradition que l’enseignement du Kuatsu soit précédé d’une cérémonie d’initiation bien particulière, où l’élève qui allait recevoir le ”secret” devait d’abord être évanoui puis ”ranimé”. Aujourd’hui rares sont les professeurs de budo qui connaissent cette science ancestrale.
Le Kuatsu et le Dianxue nous enseignent que l’art des percussions n’est pas qu’une arme de destruction, il peut aussi ramener à la vie.
Certes, le Dianxue comme le kuatsu ne sont pas des thérapeutiques complètes comme la médecine chinoise peut l’être, mais ils peuvent tout de même s’avérer très utiles entre les mains d’un pratiquant d’arts martiaux expérimenté, qui se trouve capable de ranimer une personne en syncope, d’atténuer une douleur, remettre une luxation...
A tel point qu’au Japon on préférait aller dans un dojo qu’à l’hôpital…
Mais comme dans le secourisme, un art efficace mis dans des mains inexpertes peut s’avérer inutile, voire dangereux… Il est indispensable de posséder de réelles connaissances théoriques et pratiques pour savoir comment et où agir, et donc laisser les personnes compétentes et habilitées, donner des soins…
La mise « hors de combat » dans les arts martiaux…
La mise hors de combat peut s’effectuer à travers plusieurs possibilités : de la paralysie d’un membre à la dislocation d’une articulation jusqu’à la syncope provoquée volontairement.
Pratiquer une « mise hors de combat », implique nécessairement de maîtriser les anciennes méthodes de réanimation et de restauration de l’énergie du pratiquant.
L’examen de la pupille de l’œil permet de diagnostiquer le K.O, aussi léger soit-il, par la mydriase qui apparaît (la pupille de l’œil se dilate par mécanisme réflexe).
Qu’elle soit légère ou profonde, la perte de connaissance peut être d’origine :
– cérébrale (choc à la tête),
– vasculaire (percussion d’une artère),
– neurovégétative (percussion d’un nerf),
– musculaire (choc violent sur un muscle).
Le DIANXUE utilise les mêmes points vitaux que l’acupuncteur ou le praticien TUINA, pour provoquer une réaction sur le corps de l’adversaire. La différence réside dans l’intention YI, l’information transmise. Cela suppose de la part du pratiquant / praticien, une capacité à transmettre une qualité d’information très précise et ce, dans les deux domaines… Cette transmission s’effectue par une émission de force (jin) particulière dans les arts martiaux comme dans le Tuina.
Les entraînements à la « mise hors de combat » que l’on voit fleurir ne sont pas anodins.
Si le réveil du partenaire est aisé dans les KO, les dommages causés restent bien présents, tant que l’organe, le méridien ou le tissu lésé n’a pas été restauré…
En matière de soin comme d’incendie, il n’y a pas de petit feu…
A bon entendeur…
H.L.