Nous profitons de la rentrée pour publier à nouveau d’anciens articles, qui pourront aider les pratiquants débutants (ou confirmés d’ailleurs…) dans leur découverte de la discipline. Bonne lecture !
Article publié pour la première fois le 20 août 2014…
“Reï au début, Reï à la fin”
Tel est le premier des 20 préceptes proposés par le Me de karaté, G.Funakoshi.
La notion japonaise de “Reï”, a souvent été traduite trop rapidement par “courtoisie”, voire encore plus simplement par “salut” : “Salut au début, Salut à la fin”.
Ainsi aujourd’hui, dans n’importe quel cours de karaté, ou de “Budo” (arts martiaux japonais) il est inconcevable de ne pas “saluer”, avant et après le cours, entre élèves, ou le professeur… C’est même devenu presque “automatique”…
Il semble bizarre d’imaginer que c’est à partir d’arts guerriers dont la vocation était la destruction pure et simple de l’adversaire, qu’est née cette tradition aujourd’hui bien ancrée du Salut dans les arts martiaux. Si l’on en connait peu les origines lointaines, ce que l’on sait, c’est qu’elle est ancienne et que ce n’est d’ailleurs pas une question de pays, puisqu’aucune discipline “martiale” n’y échappe, qu’elle soit orientale ou occidentale.
Partout on salue : En s’inclinant ou en exécutant une chorégraphie plus ou moins complexe avant le cours, entre élèves, envers l’enseignant, etc… Dans les salles d’armes occidentales, il s’agit de ramener l’épée vers le visage avant de l’abaisser vers le sol; dans les arts chinois, plus compliqués, de multiples formes existent, de la plus simple à la plus élaborée avec pour chacune une signification symbolique différente ! Dans les luttes celtiques et notamment le Gouren breton, une accolade; dans les sports de combat de compétition, un vague coup de tête dans le vide fait souvent l’affaire en judo ou karaté. Encore, dans les disciplines martiales basées exclusivement sur la self defense et la mise hors de combat de l’adversaire (krav maga, etc…), le salut est présent. Même dans l’octogone de l’UFC, les deux protagonistes se saluent d’un coup de gant avant de se frapper joyeusement.
Par conséquent, s’il est partout si répandu, c’est qu’il doit avoir une certaine importance… et qu’entre entre le salut du début et celui de la fin, il doit forcément se passer quelque chose de “spécial”… de “pas commun”…
Ce geste que j’effectue si souvent, que signifie-t-il ? A quoi sert-il ? Est-ce un geste de soumission servile aujourd’hui incongru dans la société moderne, ou s’agit-il d’autre chose ?
Ethymologiquement parlant, la signification du mot “Salut”, est déjà très belle, et identique au mot “Santé” : du latin “saluto” : garder sain et sauf, préserver, ou sano, sanare : rendre sain, guérir, réparer, ramener à la raison ou du grec “ugiès” : être sain, et être raisonable”, (“ugieia” est l’état d’un corps sain).
Le salut nous rendrait-il donc plus sain (ou plus saint) ?
Citons W.Lowenthal dans le “Tao du Professeur Cheng”, page 113 :
“Le salut devrait être une affirmation de soi véritable. Non pas de celles qui se mesurent à la grosseur du portefeuille ou du compte en banque, non pas de celles du “quand dira-t-on”, qui concernent votre voisinage ou le collège dont vous êtes sorti diplômé… L’affirmation de soi véritable représente ce coeur de l’énergie qui vous associe au cosmos et croît en puissance si vous demeurez cohérent avec elle.J’imagine que c’est ce que Jésus avait à l’esprit quand il a dit : “Le docile héritera de la terre !” La docilité est peut-être une façon malheureuse de décrire “l’humilité” mais ce que l’humilité offre à l’individu, c’est la possibilité de concentrer et d’exploiter le véritable pouvoir de l’univers. C’est le seul pouvoir qui a la grandeur “d’hériter la terre”…Le salut indien “Namaste”, “La divinité en moi salut la divinité en vous”, exprime l’attitude correcte du joueur de Tai Chi. C’est cette attitude qui réprime notre besoin maladif de dominer. Elle permet d’accepter la prise de contact avec l’autre, la libération des démons intérieurs et le relâchement dans la grandeur concentrée du ch’i…”.
Ainsi, ce que l’on pouvait trouver bizarre auparavant prend alors tout son sens : saluer le lieu de pratique, les outils de la pratique (mannequin de bois, bâton, sabre…), le partenaire, le professeur… Outre une bonne méthode de concentration, il s’agit toujours d’un retour à Soi, d’une pratique en elle-même.
A travers le Salut, je montre non seulement le respect que je porte à la pratique, au professeur garant du savoir transmis, au partenaire qui m’aide à progresser… mais également et surtout à moi-même…
En ce sens, ce qui est pratiqué entre le salut de départ et celui de clôture, devrait être toujours neuf, nouveau, délicat, différent des activités mondaines du quotidien…
De quoi donner l’envie de saluer dès le matin au saut du lit !
Namaste !
Emmanuel