Les dates de notre traditionnel stage de Muay Thaï de Nantes sont arrêtées.
Ce sera les 15 et 16 octobre 2016.
A cette occasion, nous republions l’interview que nous avions publié sur notre site en septembre 2012.
Rencontre avec Bruno Robinet, qui nous invite chaque année.
Bonne lecture.
Dans le cadre de nos “Rencontres avec des hommes remarquables”, nous poursuivons notre série d’interviews avec celle de Bruno Robinet, professeur de Muay Thaï et responsable du Ring Nantais, par Emmanuel.
Emmanuel Guenver : Tout d’abord Bruno, je me permettrai de te présenter succinctement à nos lecteurs, toi et ton école, afin de situer un peu le personnage !
Ton école de boxe, le Ring Nantais, est aujourd’hui une institution à Nantes. Installée rue La Fayette au coeur du centre ville, au sein de la fameuse salle Coidelle construite par Eiffel, elle fut crée en 1983 sous l’impulsion de M.Patrick CHAQUIN, ton professeur, et tu en as la direction depuis 1991. Aujour’hui, c’est une école florissante qui non seulement compte de très nombreux élèves, mais également obtient de bons résultats sportifs.
Tu diriges donc depuis plus de 20 ans tes élèves dans les 3 disciplines majeures de la boxe pieds / poings : Muay Thaï, Kick-boxing et full-contact.
Je sais que tu n’aimes pas trop que l’on évoque tes “références”, et ta modestie souffrira certainement que j’énumère ton “CV”, mais à mon sens, cela donnera un aperçu intéressant au lecteur :
Tu es donc 7 ème degré en kick-boxing, 4ème degré en full contact, diplômé de l’université de Bangkok en Muay Thaï, disciplines dont tu es, pour chacune d’elle, titulaire d’un brevet d’état. Tu interviens par ailleurs régulièrement, non seulement dans l’arbitrage au niveau national, mais également dans la formation des cadres régionaux, puisque tu es responsable des commissions techniques et des formations au sein de la Ligue des Pays de la Loire. Ton parcours martial et sportif t’a également permis d’obtenir des diplômes de moniteur en Pancrace, K1 rules, Pangamut (de l’école Lishan)… J’en oublie sûrement…
On peut donc dire que tu connais “un peu” le monde de la boxe et du pieds-poings !
J’oubliais… Tu es aussi Maître nageur !
Avant d’entrer dans “le vif du sujet”, je souhaiterais également te dire que c’est un grand honneur et un vrai plaisir que Sifu Hérald m’ait proposé de “t’interviewer”. C’est il me semble, le 14ème ou 15ème stage annuel auquel je m’apprête à participer prochainement et c’est à chaque fois une grande joie, un moment que je ne raterais pour rien au monde !
Cette rencontre annuelle, désormais devenue incontournable, tant pour ton école que pour l’école Lishan, illustre parfaitement je crois, les liens d’amitiés et de fidélité qui peuvent se créer à travers la pratique d’un art comme le muay thaï, malgré la réputation de discipline violente qu’on lui attribue parfois. Je crois d’ailleurs que toi et Sifu Hérald, vous vous connaissez depuis de nombreuses années…
– Peux-tu nous en dire plus sur cette rencontre ?
Bruno Robinet : J’ai rencontré Hérald la première fois…sur une cassette vidéo…tournée par mon ami, et oui …amitiés dans les arts martiaux… Hubert, qui revenait de stage et avait fait la rencontre d’Hérald. Ils avaient filmés quelques techniques à deux et j’avais été « frappé » par le relâchement lors des frappes d’Hérald et la façon dont il se plaçait pour toucher (le placement m’étant alors inconnu)…
Hubert a donc fait venir Hérald en stage et j’ai repris le flambeau par la suite… Dommage pour Hubert qu’il ait cessé d’être “alimenté”… surtout sans avoir compris l’essence de la pratique d’Hérald.
– EG : Quel a été ton parcours dans les arts martiaux, et pourquoi avoir choisi finalement la boxe thaïlandaise ?
– BR : Karatéka à l’âge de 14 ans, par envie, puis Full contact avec un ami qui m’avait parlé, vers 1982, de ce nouveau sport… Kick boxing avec mon prof de Full, en raison des problèmes de Fédération, mais mon prof était Karatéka à la base. Enfin et pour compléter ma boxe, je travaillais mes low kick et je m’entraînais les soirs où mon prof ne faisait pas de cours, à la boxe thaïlandaise, avec Piem* vers 1985. Etant parti souvent en déplacements, je m’entraînais au gré des villes, dans les clubs proches d’où je logeais et donc indifféremment en full, kick ou thai, disciplines que j’aime autant les unes que les autres pour ce qu’elles s’apportent en complément. Mais la boxe thaïlandaise a maintenant ma préférence quand même, par son aspect très traditionnel et sa culture venant des siècles précédents et l’utilisation des armes telles que les coudes, les genoux mais aussi les saisies.
(*Note : Piem OUTHAITHAVY, expert thaïlandais renommé, est l’un des pionniers du muay thaï dans l’ouest de la France.)
– EG : Bien qu’à aucun moment je n’ai pu constater ce type de comportement dans ton école, le Muay Thaï a souvent la réputation d’une discipline violente, brutale… Que peux-tu répondre à cela ?
- – BR : La violence est partout, nous sommes dans un monde primitif où les rituels sont rois comme chez les animaux. Les gens sont prêts à tuer quand on rentre « chez eux », pour un regard, pour soumission, etc… La personne qui franchit le pas et la porte d’un dojo, club de sports de combat, fait la démarche de vouloir apprendre, et c’est là que les relations entre chacun s’établissent. Progresser avec son partenaire, pas son adversaire… Et puis les relations d’amitiés, de confiance se construisent, puis s’arrêtent quand la confiance n’est plus…Il est très difficile de trouver son maître, mais très facile de le perdre…Les personnes violentes changent ou ne restent pas, en raison je pense, de leur égo…qui prend une sacré claque !
– EG : J’espère ne pas te vexer en te disant qu’aujourd’hui, après presque 40 ans de pratique, tu as l’âge où de nombreux pratiquants ont raccroché leurs gants depuis longtemps. S’ils enseignent encore, c’est plutôt assis sur le bord du ring… J’ai pu constater que c’est pourtant loin d’être ton cas et tu n’hésites pas régulièrement à “donner la leçon” à tes élèves, lorsqu’ils se montrent trop fougueux !
Comment envisages-tu la pratique d’une discipline aussi physique, voire parfois rude comme le muay thaï, sur le long terme ? Ta façon d’envisager la pratique évolue-t-elle avec l’âge ?
– BR : C’est vrai que cet Art est exigeant, il nécessite une remise en question permanente et « il » se charge bien de te le rappeler régulièrement…Il faut avoir toujours un peu d’avance sur tes élèves en travaillant sans relâche, en t’imprégnant de ton Art dans ta façon de vivre, manger, t’assoir…être.
Bien sûr il faut assoir son autorité sur ses élèves, il y a différentes façons de le faire comme celle que tu as évoqué dans ta question…
Et pour ceux qui regardent sans pratiquer, ils ne doivent pas avoir le même objectif que moi, à savoir : être en bonne santé. Il faut être perfectionniste, professionnaliste et passionné pour cet Art. Si tu l’es, ta pratique t’amène à te poser les bonnes questions, à chercher à y répondre ou à trouver la personne qui y répondra pour toi…Et à travailler, pratiquer… En ce sens, non, mon âge n’influe pas sur ma pratique. Il me rappelle combien je dois pratiquer encore et encore…Henry Plée a dit que la natation est martiale car on peut la pratiquer toute sa vie.
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– EG : Une chose m’a toujours un peu étonné et m’étonne encore aujourd’hui : Sifu Hérald est aujourd’hui principalement professeur/pratiquant de Qi Gong et de Taïchi Chuan. Cela fait bien longtemps qu’il ne pratique ni n’enseigne plus le muay thaï… Il me semble également qu’il y a à Nantes et dans ses environs, des maîtres thaïlandais de grande valeur.
Alors, qu’est ce qui peut bien t’inciter, au-delà des relations d’amitié qui vous lient, à inviter chaque année un professeur de Taïchi Chuan, pour encadrer tes élèves et les faire progresser en muay thaï ?
– BR : Hérald a atteint un tel niveau, qu’il a de l’avance encore pour quelques années ! …et si la relation est liée entre les arts dits « internes » et « externes »… à mon sens, mais je suis bien jeune pour le dire, ceux-ci sont une seule et même « chose ».
Je ne parlerai pas des autres enseignants et des niveaux de chacun. Il ne m’appartient pas de les juger. Mais ce que m’apporte Hérald, personne d’autre n’a pu et ne peux le faire. Son enseignement me permet de mieux vivre, d’être en bonne santé et d’avoir une longueur d’avance sur mes élèves ! Et comme je dis, tout est lié : il suffit de le comprendre et de pratiquer dans cet esprit là.
– EG : Les styles d’arts martiaux internes, comme le Taichi ou le Qigong t’attirent-ils ? Et si oui, pratiques-tu parfois ces disciplines ? Je crois savoir que Sifu Hérald te délivre régulièrement quelques exercices spécifiques… Peux-tu nous en dire plus ? Et peux-tu nous dire ce que cela t’apporte dans ta pratique ?
– BR : Comme je le disais avant, interne et externe sont la même « chose ». Je ne parlerai pas des exercices spécifiques et cela ne servirait pas à grand-chose, ceux-ci étant liés à ma façon d’être et à ma compréhension de l’Art, mon niveau, si tu préfères. Et puis je n’ai pas l’autorisation de les enseigner, je ne les évoque d’ailleurs jamais. Imagine Hérald arrivant au club et voyant tous les élèves pratiquer ces exercices spécifiques…ce serait le dernier stage !
J’ai évoqué précédemment ce qu’ils m’apportaient, la santé, hygiène de vie, confiance en soi… mais on peut aussi parler de détachement des biens matériels, du travail sur l’égo, si destructeur…
– EG : L’une des caractéristiques fortes de l’enseignement de Sifu Hérald, est de ne jamais séparer l’aspect martial de l’aspect santé, qui a pour lui la primauté. Des exercices “énergétiques” sont systématiquement pratiqués avant et après chaque séance. De même l’apprentissage des soins (tuina, massages, médecine traditionnelle chinoise) est une part importante de la formation des élèves.
Quelle est la place de cet aspect dans ton enseignement ?
– BR : Marrant de répondre aux questions avant* et de découvrir celles qui suivent en relation avec ce que j’ai dit avant… ! Comme quoi…les grands esprits… !
(*Note : cette interview a été réalisée “par correspondance”)…
Je ne maîtrise hélas pas tout cela. Mon enseignement est lié à mon passé et à ce que je connais, la difficulté étant d’enseigner à des élèves qui viennent environ 40 fois dans l’année. C’est très peu ! Si j’avais des pros du matin au soir…quel bonheur !…Mais ce n’est pas le cas. Je suis un amateur qui est peu souvent présent, de par mon travail. J’ai un certain savoir qui est plus grand que les 40 cours où les élèves viendront. Reste à sélectionner…en fonction d’eux… « …L’enseignement doit se mériter… » et les exercices pratiqués au club dans l’aspect évoqué, sont ceux qu’ Hérald nous montre pendant les stages, dans un esprit, comme tu le dis, de bien être, de libération des articulations pour un risque de blessures minimum.
– EG : Sans vouloir trop caricaturer, il y a bien souvent, dans les disciplines dites “martiales” une séparation nette entre ce que l’on pourrait appeler l’aspect “sportif”, où l’enseignant est un “coach-entraîneur”, l’aspect “self-défense”, où l’objectif est clairement la défense personnelle rapide et dans ce cas, l’enseignant se positionne surtout comme un “expert-technicien”, et l’aspect “art martial”, qui sous-tend une certaine recherche philosophique… L’enseignant devient alors plus un “guide-éducateur-maître” et la pratique dépasse alors les limites strictes “du ring”. Chaque système arrive bien entendu, avec ses dérives et ses abus…
Où situes-tu ton enseignement et par voie de conséquence, quelles sont les relations que tu entretiens avec tes élèves ?
– BR : Ce n’est pas la discipline qui est « martiale », c’est l’enseignant. Ou plutôt, la pratique de l’enseignant, ou sa façon d’être… La compétition a ses règles pour protéger les compétiteurs, catégories de poids, utilisation de protections, coups interdits. Doit-on formater nos élèves pour qu’ils gagnent ? Je ne le pense pas. Faisons d’eux des êtres bons, en bonne santé, respectueux de l’autre, libres… et qu’ils vivent le plus longtemps possible !
Si tel est le cas, je pense qu’ils n’auront pas besoin de l’aspect self…L’aspect compétition étant pour moi et les entraîneurs, un moyen de vérifier ce qui est acquis ou non, et pour eux comprendre que le chemin est long…
Mes relations sont différentes en fonction de chacun : amitiés sincères en dehors du « dojo »… mais quand on parle Muay ou boxe…dans le club ou à l’extérieur…On écoute, on pratique. Quand Hérald me parle, j’écoute sans couper la parole. J’essaye de comprendre quel chemin je dois emprunter, et si je ne comprends pas tout, je pratique ! De la pratique naît la compréhension ou les questions permettant de comprendre. Si « tu » ne pratique pas…tant pis pour « toi »…
“Tout ce que dit le maître est vérité… » même si celle-ci change, au gré de la compréhension et de la pratique…Je ne me prends pas pour un maître et je n’attends aucune reconnaissance. Simplement une progression de chacun, pour tous et dans tous les niveaux évoqués précédemment.
– EG : Au-delà des aspects purement physiques, santé, etc…
Peux-tu nous dire, avec le recul et l’expérience qui est la tienne, ce qu’a apporté la pratique dans ta vie et ce qu’elle représente aujourd’hui ?
– BR : « Moi ».
– EG : Qu’entends-tu par là exactement ? Peux-tu développer un peu ?
– BR : Non….
– EG : Que pourrais-tu dire à un “ptit jeune” qui voudrait débuter, à propos des qualités requises, des pièges et des écueils à éviter, etc… ?
– BR : Les cartes sont dans tes mains : PRATIQUE, surtout quand tu n’as pas envie. C’est dans la difficulté que nait la facilité. Et puis, j’ai vu un téléfilm hier où le type perdait la foi et où le prêtre disait : « tu peux te réfugier dans l’alcoolisme, faire les pires bêtises…Ou alors…» et il partait… Cela illustre bien mes propos : On a toujours le choix…Faire le bon choix, faire confiance en son prof, son Maître, son Sifu.
Tu pourras lui dire ce que tu veux…La confiance entre lui et toi doit être totale pour qu’il t’écoute, et cette confiance s’acquiert par le travail au dojo…
Alors, si tu ne viens pas ou peu…
– EG : Pour conclure, je dois avouer qu’avant de découvrir le muay thaï avec Sifu Hérald et avant de te rencontrer, j’avais quelques idées-reçues sur cet art, qu’il m’arrivait de considérer comme un peu “brutal” ou grossier…
Aussi, je voulais te remercier chaleureusement pour me faire réaliser lors de chacun des stages, pourquoi on appelle cet art “le noble art”, et également pour ton accueil si amical chaque année.
Merci bien sur également à Sifu Hérald, pour nous permettre de l’accompagner chaque année et avoir ainsi permis cette belle rencontre !
– BR : C’est toujours, pour moi aussi, beaucoup de bonheur de vous revoir et échanger ensemble tous les ans ! Voir les progrès réalisés par chacun, nous retrouver « en forme », enthousiastes et heureux de vivre ces moments, grâce à Hérald. Et surtout…Tant que vous venez, ce n’est pas moi qui sert de sparring à Hérald pour prendre les « pains » !!!
Comme tu as pu le constater j’ai très peu parlé du muay thai. L’Art importe peu, c’est le professeur qui compte, sa façon d’être et d’enseigner. Je suis heureux et c’est un grand honneur pour moi de mériter la confiance d’Hérald, lui qui a changé ma façon d’ « être moi » et de bien vouloir continuer à le faire…parce que, crois-moi, il y a encore du boulot !