Par Emmanuel
Afin de compléter ce qui est abordé durant les cours, voici un petit rappel de ce qu’on appelle les “huit portes” du Taïchi…
Cet article résume et récapitule notre série de 5 articles que nous avions publiés en 2022.
Originellement, le Taïchi Chuan ne comportait pas de forme, mais uniquement 13 postures (8 portes et 5 déplacements) qui constituent aujourd’hui le socle commun de la plupart des styles de Taïchi Chuan.
Les 8 portes
Il s’agit des 8 “energies” (jin) principales utilisées en Taïchi Chuan… 8 façons d’utiliser la force.
PENG (PARER)
棚 |
Traduction littérale : péng = abri; hutte |
Traduction communément admise : Parer Autres traductions / interprétations : embrasser, bouclier |
LU (ROULER EN ARRIÈRE)
擄 / 捋 |
Traduction littérale : lǔ- capturer; piller; prisonnier; esclave ou luō – lǚ- tirer; dépouiller – lisser ou peigner avec les doigts |
Traduction communément admise : Tirer vers l’arrière, Autres traductions / interprétations : Rouler en arrière |
JI : PRESSER
挤 |
Traduction littérale : presser; bousculer; pousser | Traduction communément admise : Presser |
AN : POUSSER
按 |
Traduction littérale : presser; appuyer sur; contenir; contrôler; restreindre; réprimer; tenir quelque chose dans la main; selon; conformément à; | Traduction communément admise : Pousser, appuyer |
- Première des 8 portes, “Peng jin” (énergie de parer) est l’énergie emblématique de l’école Yang…
Le principe général est ici semblable à l’image d’un ballon : “Devenir comme un ballon”, c’est à dire à la fois la rondeur et la consistance de celui-ci, sa densité, son aspect élastique et rebondissant, mais également sa capacité à “rouler”, à dévier toute force rectiligne qui s’y applique. “Peng jing”, est donc à la fois la capacité à “absorber” la force adverse et à la neutraliser (dévier) pour la renvoyer en rebond (Fa jin). On pourrait penser notamment à “un bouclier”, mais ce serait-là ne voir qu’un seul aspect : Il ne s’agit pas que de l’extérieur du ballon, mais également de l’intérieur de celui-ci. D’où l’idée d’abri, de hutte, de protection de l’intérieur, l’idée d’embrasser… où cette fois on ne se concentre plus sur ce qui est à l’extérieur du ballon, mais sur ce qui est à l’intérieur.
- “Lu”, consiste à “guider” la force de l’adversaire, à l’attirer dans le vide, pour l’amener dans son propre déséquilibre… “Ramener à la terre” en fait.
Parfois interprété comme “tirer en arrière”, cette traduction semble trop “forte” pour notre style “Cheng”, pour lequel il s’agit essentiellement de laisser la force adverse suivre son mouvement et la guider vers le sol… ”Avec quatre onces, dévier 1000 livres”. Il ne devrait donc idéalement, pas y avoir besoin de tirer quoi que ce soit… simplement, “peigner, lisser” comme sa traduction littérale semble le suggérer… On peut également penser à la technique “Tui” dans le Tuina, où l’idée n’est pas de “frotter”, mais plutôt de “caresser les ailes d’un oiseau”, pour guider l’énergie. Cela nécessite une grande écoute et d’être capable de “s’oublier soi même pour suivre l’autre”.
Les énergies LU et PENG symbolisent pleinement l’idée de flexibilité et de souplesse que l’on retrouve également dans “le Grand Judo”. La force de “Céder / Esquiver” pour “Lu” et La flexibilité élastique de “Peng”. Dans le travail à deux de notre école, ce sont généralement les deux premières portes qui sont étudiées au début, dans un premier tuishou “sur une jambe”.
- Ji & AN sont généralement associées…
Ce sont deux “énergies” assez proches, car plutôt “offensives”, en comparaison des deux précédentes (Peng/Lu), plutôt “défensives”. Mais en Taïchi, rien n’est jamais figé ! Toutes deux consistent, à la base, en une action de pression/poussée sur le partenaire.
Ji, est plutôt une énergie “percutante”, pour “ébranler” l’adversaire… pour pénétrer le corps à destination des organes internes. C’est la main avant qui cède à l’impact de la main arrière. En tuishou, une main vient soutenir l’autre afin de “connecter” le partenaire puis émettre l’énergie, pour “appuyer” ou “repousser”. L’action de “AN” est quand à elle, en tout cas pour le style “Cheng”, plutôt déracinante, la poussée s’exerçant comme une vague, pour faire décoller le partenaire… Mais l’on trouve également de nombreuses variations… Dans la filiation “Huang” de notre style par exemple, les poussées sont plus sèches (proche du style de la grue blanche) et “rebondissantes”.
Dans le travail à deux, le tuishou emblématique de l’école “Cheng Man Ching” est le “si zheng tuishou”, le tuishou des 4 coins, encore appelé “positif/négatif”, qui enchaîne les 4 premières portes (Peng / Lu / Ji / An)…
ZHOU : Utiliser le coude
肘 |
Traduction littérale : zhou- coude | Traduction communément admise : Donner un coup de coude Autres traductions / interprétations : Utiliser le coude |
KAO : Utiliser l’épaule
靠 |
Traduction littérale : kào- s’appuyer contre ou sur; être proche de; sûr; dépendre de; | Traduction communément admise : Donner un coup d’épaule Autres traductions / interprétations : Utiliser l’épaule |
LIEH : TORDRE 裂 / 列 |
Traduction littérale : liè- se fendre; crever ou aligner; rang; file; série |
Traduction communément admise : Tordre Autres traductions / interprétations : Fendre, saisir… |
TSAÏ (ou CAÏ) : CUEILLIR / SEPARER
采 |
Traduction littérale : cueillir; exploiter; recueillir; extraire | Traduction communément admise : Cueillir Autres traductions / interprétations : Saisir, intercepter, couper, percer, pénétrer, énergie de levier |
- Zhou & Kao
On traduit souvent ces deux portes par “donner un coup de”… coude ou d’épaule, selon le “potentiel” choisi… Mais ni la traduction littérale ni l’idéogramme ne suggèrent l’idée d’une percussion “obligatoire”… Nous préférons donc le terme “utiliser”… Car on peut ouvrir ces deux portes de bien des manières ! Bien-sûr, “percuter” en fait partie, mais on les retrouve également dans les Qinna utilisant le coude ou l’épaule, pour déséquilibrer / luxer / projeter. Le point commun de ces deux portes réside dans le fait que l’expression de ZHOU JIN ou de KAO JIN nécessite d’être proche de l’adversaire, que ce soit à l’intérieur de sa “garde” ou à l’extérieur. A noter : Dans la forme des 37 postures du Me Cheng Man Ching, la porte “utiliser le coude” est très peu “exprimée”, elle n’est que suggérée, ce qui ne signifie pas qu’elle n’existe pas…
- Avec TSAI et LIEH, ça se complique encore un peu !
Chacune des deux porte peut en effet s’interpréter comme la mise en mouvement de 2 forces opposées… Séparer / couper / intercepter… etc… et peuvent en effet parfois se confondre… L’énergie de TSAÏ est plutôt de séparer / couper / percer… ou intercepter, par exemple pour s’opposer à un bras qui frappe…
Dans cette catégorie, on trouve donc les piques, les clés dans l’idée de couper, les projections en barrage… On pourrait même y classer les saisies des articulations, ou les saisies des muscles / tendons… Pour LIEH, il peut aussi y avoir saisie, ou l’intention de “séparer”, mais le principe est ici plutôt de Tordre, de vriller, de créer 2 mouvements opposés dans le corps (ou sur une articulation…). Bien-sûr, les fameux Qinna du Taïchi (luxations, saisies, percussions des points vitaux…), sont le domaine de prédilection et comprennent de multiples expressions de ces deux dernières portes.
Les 4 portes “zhou / kao / lieh / Tsai” sont notamment abordées dans le Dalu… l’enchaînement du “grand déplacement”.
En guise d’illustration, voici une récente vidéo où les différentes “portes” sont utilisées à partir du tuishou des “4 coins”.