Par Hérald Loygue…
Ce qui m’a fait choisir la discipline…
Il semblerait qu’il y ait dans le monde des arts martiaux, deux univers ou plutôt deux façons “d’entrevoir la Force” … pour reprendre le thème universel cher à Me Yoda !
Comme beaucoup de personnes de mon âge, il y a eu, à mon époque, deux références en matière d’arts martiaux qui ont bercé notre jeunesse :
– D’un côté, la série “Kungfu” avec D. Carradine, qui proposait la vision d’un art profondément ancré dans la recherche de la Paix ; une philosophie vivante, art de santé et d’auto-protection… et dont l’expression martiale elle-même était marquée par la souplesse et l’idéal de non-violence. Un art qui parlait de transmission et de valeurs pour l’éducation de l’être humain.
– De l’autre, il y avait les films de Bruce Lee, où trônait le culte de la personnalité, esprit de vengeance, arrogance, violence et technicité. C’est l’idéal traditionnel du “Kung fu” qui a conduit ma recherche. Dr Justice et Karaté kid ont appuyé le choix.
J’ai cherché dans différentes traditions martiales et sports de combat, une pratique cohérente qui soit l’expression de ma recherche et relie l’ensemble de ces trois aspects (philosophique, martial et énergétique). Chacun de ces arts détenant une seule facette, le plus souvent au détriment des autres aspects de la pratique…
J’avoue volontiers avoir été attiré, bien des fois, par le “côté obscur”, qui exerce une grande fascination, mais Yoda n’a jamais été très loin… Grâce à Lui !
C’est le Taï Chi chuan qui a répondu à mon attente, comme un vêtement dont on a l’impression qu’il a été fabriqué pour vous.
En fait, on ne choisit pas une pratique, elle vient à vous naturellement.
C’est dans l’enseignement du Me Cheng Man-Ching que je me suis reconnu :
Parce qu’il incarne cet idéal d’une pratique profondément non-violente, à la fois art de santé, d’éveil et d’auto-protection, où l’efficacité se joue à un autre niveau que celui du strict combat.
Parce qu’il parle de douceur et de la Grandeur de l’homme, d’un accès à la Grandeur possible pour l’homme.
Le Tai Chi Chuan est pour Me Cheng un Chemin possible vers la Grandeur.
Son étymologie même le précise :
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Taï : le caractère Taï, “grand”, nous parle de grandeur, comme un homme centré dans le Un, bras grands ouverts.
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Ji : le caractère Ji, “faîte”, nous parle de la croissance d’un homme, de son double enracinement, comme celui d’un arbre entre terre et ciel, encadré par une main qui donne, et une bouche qui reçoit.
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Quan : le caractère Quan, “boxe”, nous parle d’une action à mener, d’un combat à livrer, un combat où il nous faut évaluer, soupeser la densité des choses, des êtres et des évènements.
La Grandeur n’est pas une question de centimètres, de techniques, ni même de certificats…
Pas un lieu à atteindre, mais un état à devenir, à laisser émerger.
Une capacité à exprimer ce que nous sommes originellement et à vivre à partir de là…
J’ai choisi le Taï Chi parce que l’Efficace dont il parle est lié à cette Grandeur de l’homme, qui s’exprime à travers “trois trésors” :
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Shen, en premier lieu : une pratique qui s’adresse à l’esprit profond de l’homme.
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Qi : une pratique de Santé, thérapeutique au sens étymologique du terme,… qui rend son adepte capable de prendre Soin de lui-même et de son prochain.
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Xing, enfin : une forme martiale, une méthode d’auto-protection cohérente, basée sur la souplesse, sur la faiblesse et non sur la force et la rapidité.
Enfin, un critère important à mes yeux : La beauté gestuelle de ces arts…
La beauté pour moi dit quelque chose de la Vérité…
Ce qui m’a fait choisir mon professeur…
“Nul besoin de tabouret pour admirer la lune…” Mi an
J’ai rencontré beaucoup d’enseignants, le plus souvent incohérents… entre discours et pratique.
Ce qui m’a fait choisir mon professeur de Tai Chi Chuan n’est pas son discours (il ne parlait que très peu et pas la même langue), ni son style (venant de la boxe, j’avais quelques a priori sur le Taichi), ni ses prouesses, son efficacité, ou encore son pedigree… mais la grande cohérence entre sa pratique et sa vie, à tel point que l’on ne pouvait séparer les deux.
Il ne ressemblait pas à un Maitre de Taï Chi, ses cours à des cours, quant à ses explications… Il n’y en avait pas.
Juste une invitation à l’expérience, à ressentir…
Que ce soit dans sa cuisine, en calligraphiant, en servant le thé (gung fu cha) ou dans son Taï Chi, même posture, même état d’esprit…
Il n’y avait dans sa pratique aucune arrogance, aucune prétention, aucune tentative de séduction…
Cela vaut tout discours.
On connait ceux qui parlent de la santé, des arts martiaux, des exploits et de l’éveil des autres !
Il y avait donc un chemin possible de rencontre, une possibilité de cohérence…
Quel soulagement !
Ce Chemin est un chemin de Simplification au sens étymologique : devenir “sans pli”, sans “ombre portée”…
Un chemin de réunification où pratique martiale, de santé et spiritualité se trouvaient en accord profond.
Plus encore : c’était la même chose…
Un jour qu’il me demandait combien de temps je m’entrainais par jour, je répondais, satisfait de moi et de mes trois/quatre heures d’entrainement quotidien, comme on justifie sa position…
“Aucune chance”… fut sa réponse…
A ma position, il interrogea ma Posture.
A mes réponses, il interrogea ma Question.
Des réponses, nous n’en avons que trop !
Mais…. Une Question !…
“Aucune chance…
S’il y a votre vie et votre pratique, il y a encore deux choses…”
La Voie, la pratique est “non-deux” !
Comme la vie.
A suivre…
Hérald Loygue